Privation volontaire de nourriture : L’idole du jeûne
Est-il possible de vivre sans manger ? Sous certaines conditions, oui, car c’est une capacité que notre corps possède naturellement et génétiquement. Depuis les origines de l’humanité, notre corps a su s’adapter pour faire face à des périodes de pénurie de nourriture ou de famines. Il a appris à fabriquer, à partir de ses réserves, les molécules nécessaires à sa survie. Difficile de penser qu’arrêter de s’alimenter est bénéfique pour la santé, et pourtant, certains en sont convaincus, d’autres moins…
Entre indications et contre-indications, quels sont les bienfaits du jeûne, si on le fait bien ?
De nombreux animaux dans la nature pratiquent le jeûne, et pas seulement les mammifères. La chenille deviendra papillon après une vie dans sa chrysalide, sans apport de nourriture pendant plusieurs jours (voire plusieurs mois pour certains papillons de nuit), pour laisser place à une transformation extraordinaire. Les ours, marmottes ou autres hérissons, sont parmi les jeûneurs les plus connus, notamment en période hivernale lorsqu’ils hibernent pour échapper aux rigueurs du froid et ainsi éviter de dépenser de l’énergie au moment où la nourriture se fait plus rare.
Mais l’Homme moderne peut-il vivre bien s’il s’arrête de manger volontairement pendant quelques heures ou quelques jours ? Pour beaucoup cela semble impossible, pourtant c’est une capacité que chacun a en soi. On estime, en effet, qu’un homme moyen (1m70 et 70 kg) a des réserves naturelles pour 40 jours ! Elles sont constituées en moyenne de 3 kilos de protéines, 750 g de glucose et de 10 kg de graisse dans tout le corps.
Les mécanismes du jeûne
En temps normal, l’organisme se nourrit de nos apports alimentaires quotidiens, notamment le glucose dont le cerveau a besoin pour fonctionner.
Son adaptation à la privation de nourriture externe va se dérouler en plusieurs étapes :
- Le premier jour, l’organisme va consommer le glucose qui se trouve dans le sang, puis il va utiliser celui qui est stocké dans le foie (le glycogène).
- Dès le deuxième jour, les réserves de glucose et de glycogène sont épuisées. Les cellules vont transformer les protéines présentes dans les tissus adipeux et musculaires en glucose ; C’est la néoglucogenèse.
Durant deux ou trois jours, la sensation de faim peut être présente.
A partir du cinquième jour, le corps va tenter de protéger son stock de protéines. Le foie va alors produire des molécules de substitution, les corps cétoniques, qui vont alimenter le cerveau en lieu et place du glucose. C’est la cétogenèse.
Après 36h ou 48h, le changement de métabolisme plus ou moins brutal, selon la quantité de toxines que notre corps doit évacuer, peut provoquer une crise d’acidose avec maux de tête, nausées ou même éruptions cutanées. Ces troubles disparaissent en un ou deux jours au maximum.
Une fois cette crise d’acidose passée, l’organisme s’habitue à cette nouvelle manière de s’alimenter. Le corps produit alors des sécrétions hormonales en quantité plus importantes : Dopamine, adrénaline, noradrénaline, sérotonine… Leur effet euphorisant dissipe le sentiment de faim et de fatigue.
Les effets du jeûne
Le jeûne est donc le passage d’une forme de vie qui dépend de notre alimentation extérieure, à une forme de vie qui va puiser dans les réserves de notre corps.
C’est une pratique millénaire qui trouve ses racines, encore aujourd’hui, dans la spiritualité et la guérison.
Le premier témoignage qui mentionne le jeûne remonte au 13ème siècle avant notre ère, sur les parois des temples et des tombeaux égyptiens.
Hippocrate lui-même déclarait en -370 avant JC qu’il fallait « soigner ses petits maux par le jeûne plutôt que de recourir aux médicaments ».
Le jeûne a donc été très tôt utilisé à des fins thérapeutiques, et de nombreuses expérimentations dont il a fait l’objet, ont démontré ses effets sur le corps humain.
Des effets sur le sang
Confronté au manque de nourriture, l’organisme déclenche un processus d’autorégulation et un bouleversement hormonal et neuroendocrinien. De nombreux paramètres sanguins s’améliorent : La glycémie, le cholestérol, les triglycérides, le taux d’insuline…
Le corps dépense moins d’énergie
Parallèlement, la dépense d’énergie de notre corps diminue progressivement : baisse de la tension artérielle, du rythme cardiaque, de la respiration…
Le système digestif est mis au repos.
Diminution des processus inflammatoires
Des études récentes de Min Wei en 2017 ou Valter Longo en 2019, ont mis en évidence le caractère anti-inflammatoire du jeûne sur la polyarthrite rhumatoïde, mais aussi, une diminution de l’inflammation intestinale, des gastrites, colites, réduction des taux de marqueurs biologiques de l’inflammation…
Un effet sur le poids
Le jeûne entraîne une diminution du poids et du périmètre abdominal, c’est certain. Mais ne nous y trompons pas, seule une alimentation équilibrée et une modification drastique des habitudes alimentaires garantira une perte de poids durable et stable.
Un bien-être retrouvé
Un des effets les plus significatifs du jeûne se situe au niveau du psychisme. Depuis 1998, le jeûne est officiellement reconnu en Russie comme un traitement thérapeutique contre les maladies mentales, comme la schizophrénie, notamment grâce aux travaux du psychiatre Youri Sergueïevitch Nikolaïev (1905 – 1998).
Avec la thérapie du jeûne, le sujet devient plus lucide, il change son regard sur lui-même, sur ses proches, sur son attitude envers le monde, il est de meilleure humeur et son cerveau fonctionne mieux. Il dort mieux et se réveille mieux. Il ressent une nouvelle énergie en lui.
Des effets sur la peau
Les mécanismes du jeûne conduisent le corps à se débarrasser de débris cellulaires malades ou inutiles. D’après le docteur Jason Fung : « Le jeûne stimule l’hormone de croissance, qui déclenche à son tour la production de nouveaux composants cellulaires permettant une rénovation complète de notre corps. Parce qu’il permet la dégradation des anciens composants cellulaires et la régénération de nouveaux, le jeûne peut être considéré comme l’une des méthodes anti-âges les plus puissantes. ».
Ainsi le vieillissement du corps est ralenti et la peau voit son aspect s’améliorer.
Comment bien jeûner ?
Le jeûne ne s’improvise pas, mieux vaut d’ailleurs se lancer dans ce processus, après avoir pris un avis médical.
Il y aura ensuite, 3 étapes de longueur égale à respecter, pour garantir toutes les chances de réussite :
- La préparation, avec une diminution de la consommation alimentaire
- Le jeûne lui-même
- La reprise (remontée alimentaire)
Préparer son jeûne
Le jeûne n’est pas une simple promenade de santé, mais plutôt une épreuve sportive de haut niveau. Comme on se prépare à une course en haute montagne ou à un marathon, il faut se préparer au jeûne.
Le jeûne est une démarche très personnelle. Éviter d’en parler permet de ne pas avoir à faire face aux regards souvent négatifs de son entourage, dont les idées reçues de type « manger pour prendre des forces » pourraient vous dissuader. Forgez votre propre opinion auprès de spécialistes ou de personnes qui ont connu des expériences positives et soyez sûrs de la raison qui vous pousse à entreprendre cette démarche.
Mangez léger en éliminant progressivement les aliments les plus toxiques (tabac, alcool, sucres, …) et ceux issus du monde animal.
Préparez-vous mentalement à affronter les désagréments de début de jeûne (maux de tête, nausées, fatigue…).
Le jeûne lui-même
L’élimination des toxines est la clef de la réussite et un incontournable, pour bénéficier de tous les avantages du jeûne sans en connaître les inconvénients.
Pour bien démarrer une séance de jeûne, mieux vaut avoir les intestins vides pour limiter la période de sensation de faim et commencer à les mettre au repos.
L’élimination des toxines doit être recherchée dans tous les processus de notre corps :
- La respiration, pour évacuer les toxines acides sous forme gazeuse.
- Des exercices physiques adaptés (marche, piscine…), qui stimulent une élimination par les reins, les intestins, les poumons et la peau. Transpirer est en effet extrêmement important dans le processus d’élimination. Des séances de sauna ou de hammam courtes mais fréquentes, aideront à stimuler le renouvellement cellulaire.
- Boire beaucoup, au moins 3 litres d’eau par jour pour bien s’hydrater et éliminer par la transpiration et les urines.
- Prendre du repos. Inutile de démarrer une période de jeûne si l’on a une activité professionnelle intense ou un événement important à préparer. Le recours à la méditation ou au yoga peut permettre d’optimiser sa démarche de jeûne. Lire, écouter de la musique, peindre, écrire…, autant d’activités qui favorisent la quiétude de l’âme, le repos du corps et de l’esprit.
- Ayez recours au massage en profondeur pour drainer le corps et dynamiser les tissus.
- Choisissez, pour votre période de jeûne, un cadre serein, où vous pourrez vous oxygéner et profiter des bienfaits de la nature.
La reprise
Le retour à l’alimentation au quotidien doit se faire progressivement, en respect avec votre corps. La durée de la reprise correspond à la moitié de la durée du jeûne, mais certains spécialistes préconisent une durée égale à la durée du jeûne. Une reprise trop rapide vous exposerait à des désagréments, comme des nausées ou des maux de têtes.
Commencez par des aliments liquides, des jus de légumes ou de fruits frais pressés et dilués, puis progressivement plus concentrés. Commencez ensuite les aliments solides par de petites portions. En cas d’alerte de votre corps, nausées, ballonnements, difficultés à digérer, modérez le rythme de votre reprise.
Les différentes formes de jeûne
Le jeûne intermittent
C’est le jeûne que l’on pratique pour débuter en douceur et que l’on peut pratiquer seul à la maison. Il existe trois types de jeûnes intermittents :
Le jeûne 16-8
Vous sautez le petit déjeuner. Entre le repas 20h la veille et le repas de midi, vous avez fait une pause alimentaire de 16 heures. Le reste du temps, vous mangez léger aux horaires qui vous conviennent.
Le jeûne 17-7
Une heure de plus que le 16-8 avec un repas pris à 13h.
Le jeûne 18-6
Une heure de plus que le 17-7 avec un repas pris à 14h.
Le jeûne du week-end ou méthode 5-2
Pour les personnes actives, qui ne peuvent se priver de repas en semaine, dans la journée ou dans la soirée, par obligation professionnelle ou par contrainte familiale, voici une approche anglo-saxonne qui préconise le jeûne complet le week-end. Les britanniques en sont de fervents adeptes.
Le jeûne alternatif ou séquentiel
Une à plusieurs fois par semaine, vous décidez de ne plus vous alimenter pendant 24h et ce, sur une durée assez longue.
Le jeûne complet ou jeûne hydrique
Comme son nom l’indique, il consiste à ne boire que de l’eau et exclusivement de l’eau, pendant une durée qui peut aller jusqu’à plusieurs dizaines de jours.
La méthode Buchinger
C’est un jeûne complet où l’apport de jus de fruits et légumes, de potages légers et de miel est autorisé.
Le jeûne sec
C’est la forme la plus dure du jeûne. Dans tous les cas elle ne doit pas dépasser 15 jours (10 jours maxi recommandés) et ne permet ni de s’alimenter ni de boire, même pas de l’eau. Un suivi médical est bien entendu nécessaire.
Indications – Contre-indications
La privation de nourriture est donc réputée pour stimuler les processus d’autoguérison et débarrasser l’organisme de ses toxines. En Russie, les cures de jeûne sont même remboursées par la Sécurité Sociale. Pourtant, ce phénomène ne fait pas l’unanimité au sein de la communauté médicale. De surcroît, le ministère français des Solidarités et de la Santé rappelle « qu’il n’existe pas à ce jour, d’études scientifiques suffisamment nombreuses et rigoureuses permettant de conclure quant à son efficacité thérapeutique ou préventive ». Force est de constater qu’en France, il n’existe aucune structure médicale qui propose de s’adonner au jeûne.
Mais l’absence d’étude prouvant l’efficacité thérapeutique du jeûne ne vaut pas preuve de son inefficacité…
C’est pourquoi, chacun est libre de ses choix. Pour un jeûne de moins de deux semaines, réalisé par un adulte en bonne santé, dans le meilleur des cas, avec un suivi médical, des résultats seront perceptibles. Dans le pire des cas, des maux de têtes, des étourdissements voire des malaises, pourront apparaître.
Les partisans du jeûne, à partir de données empiriques, de témoignages, mais sans études réellement scientifiques, sont unanimes pour prêter au jeûne des vertus thérapeutiques pour les pathologies suivantes :
- Maladies articulaires
- Certaines pathologies cardio-vasculaires
- Pathologies des bronches, de l’estomac, de l’intestin
- Problèmes endocriniens
- Maladies osseuses, de la peau
- Diminution des effets indésirables des chimiothérapies anticancéreuses. Toutefois s’agissant des malades atteints de cancer, un rapport très documenté publié en novembre 2017 par le réseau NACRE affirme qu’il n’existe actuellement pas de preuve scientifique permettant de dire que le jeûne protège contre le cancer ou améliore l’efficacité des traitements. Au contraire, la perte de poids et de masse musculaire observée chez des patients dans certaines études, suggère que celui-ci pourrait aggraver la dénutrition et la sarcopénie (perte de masse musculaire)
- Traitement des maladies métaboliques (obésité, diabète de type 2, hypercholestérolémie, urémie, prévention de l’infarctus)
- Maladies chroniques inflammatoires (Arthrite, maladies rhumatismales, gastrites, colites, allergies, migraines, asthmes)
- États dépressifs
Mais les contre-indications sont nombreuses :
- Ne pas jeûner quand on est maigre ou anorexique
- Malades atteint de cancer (voir ci-dessus)
- Tuberculose
- La sclérose en plaque
- L’hyperthyroïdie décompensée
- L’épilepsie
- L’insuffisance cérébrovasculaire
- L’insuffisance hépatique ou rénale
- Le diabète de type 1
- Décollement de rétine
- Hépatite Chronique
- Thrombophlébite
- Femmes enceintes ou allaitantes
- Enfants et adolescents (risque de ralentissement de la croissance et de la puberté)
- La prise de certains médicaments (corticoïdes, antihypertensifs, antidiabétiques, psychotropes, antiépileptiques, anticoagulants) en raison du risque d’effets indésirables
L’avis d’AVENIR SANTÉ MUTUELLE
La pratique du jeûne, même si ses vertus thérapeutiques n‘ont pas été prouvées scientifiquement, existe depuis plusieurs millénaires. Des milliards d’individus dans le monde et à travers les âges, ont bénéficié peu ou prou de ses bienfaits et aucune étude scientifique n’a prouvé le contraire. Dès lors, la valeur empirique de ces expérimentations doit être prise en compte. Elle nous donne des pistes relativement fiables sur les indications ou les contre-indications qu’il y a lieu de respecter lorsqu’il s’agit de se lancer dans une démarche de jeûne. Chacun est libre de son choix, mais AVENIR SANTÉ MUTUELLE recommande toutefois de bénéficier d’un avis médical pour entamer une telle démarche, qu’il faudra murir et ne pas prendre à la légère pour l’entreprendre en pleine conscience et en pleine responsabilité.